mardi 17 juin 2014

Val de Meuse - Citadelle de Dinant

Haute Meuse dinantaise - La Citadelle de Dinant vue des rives de Neffe - Photo : Erdan
Et pour commencer, à tout seigneur tout honneur : La Citadelle de Dinant à la lumière de son histoire.


Armoiries de la ville de Dinant.
Histoire et chronologie :

Majestueuse et imposante sur son piton rocheux, la citadelle de Dinant qui, de loin, se présente comme l'avant d’un immense navire ancré au bord de l’eau, monte une garde immuable au-dessus de la cité qui s'étire le long de la Meuse. Surplombant le fleuve et la Collégiale Saint Perpète, la forteresse, présente dans la vallée depuis quasiment le début du deuxième millénaire de notre ère a, de tout temps, rassuré les populations des environs qui s'y réfugiaient, souvent avec leur bétail et quelques maigres biens, lors des guerres qui sévissaient fréquemment entre les divers seigneurs féodaux de la région.

Il est de coutume de penser que c'est au IVème siècle que Julien, élevé par Constance II à la dignité de César, édifia un castellum qui, en 588, fut cédé par Monulphe, évêque de Maestricht, à l'église de Tongres.

Aux 7ème et 8ème siècles, apparaissent les noms «Deunante» ou «Deonanti». Ces deux noms proviendraient - hypothèse la plus probable - du celtique «Divonanta», c’est-à-dire «vallée sacrée».

Depuis 840, date de la mort de Louis le Pieux et du partage de la Lotharingie entre le roi de France, Charles le Chauve, et son frère, Louis le Germanique, Dinant appartenait aux princes-évêques de Liège, tandis que Bouvignes, la cité voisine, était l’apanage du comte de Namur. 

Ce qui devint la citadelle de Dinant commença par un premier château-fort et une chapelle édifiés il y a plus de neuf siècles, en 1040 exactement, par Nithard, prince-évêque de Liège de 1037 à 1042.

Un peu plus tard dans le siècle, vers 1070-71, pour remercier l'Eglise de Liège de sa fidélité à son endroit lors de la difficile Querelle des Investitures épiscopales qui l'opposa au pape Grégoire VII, Henri IV, empereur du Saint Empire romain germanique, accorde - entre autres donations - à Théoduin de Bavière, évêque de Liège, le droit de relever les murailles du château-fort de Dinant. Il lui attribue également le marché de la localité, le droit de battre monnaie et de prélever le tonlieu soit la taxe perçue sur les marchandises lors de leur transport ou leur exposition dans les foires ou les marchés.

Armoiries de la Principauté de Liège.



Ce premier ensemble de fortifications a aujourd'hui totalement disparu, rasé en 1466 par le troupes de Charles le Téméraire. La situation particulière du bourg, à la frontière immédiate entre le pays de Liège et le comté de Namur, avait pour conséquence que Dinant était immédiatement concernée par les conflits liés aux limites territoriales entre ces deux entités, d’autant que la fabrication des ustensiles en cuivre - les fameuses dinanderies - nécessitait une terre réfractaire que les batteurs dinantais ne pouvaient trouver qu’à l’ouest de la Meuse, également en zone frontière, et le plus souvent loin en pays de Namur. Ces conflits quasi permanents vont s’exacerber au début du XVème siècle du fait des rivalités commerciales entre les villes de Dinant et de Bouvignes. Les deux villes mosanes, toutes proches l'une de l'autre et adversaires de tout temps aux plans économique et politique, connaissaient régulièrement des rixes, conflits et autres algarades survenant entre leurs populations respectives et furent, de ce fait, amenées à se fortifier et à s'entourer de remparts pour se protéger des incursions du voisin.
Les principaux conflits entre les deux villes ont lieu aux XIIIème et XIVème siècles : en 1277, la guerre dite «de la vache de Ciney» de 1293 au 1er septembre 1296 ; la guerre entre Namur et Liège, Guy de Dampierre, comte de Namur, ayant réclamé aux Dinantais certaine somme d’argent promise du chef de dettes contractées par son fils, l’évêque Jean de Flandre (le compromis du 1er septembre 1296 montre l’importance du corps de métier de la «batterie» puisque ses privilèges sont exclus de la discussion du compromis «Cartulaire de Bouvignes»); de nouveaux conflits entre Bouvignes et Dinant du 2 novembre 1319 au 4 août 1321.

Petit détour du côté du comté de Namur.

Il semble bien que, peu après l'avènement du prince-évêque Jean de Heynsbergh en 1419, des actes de violence aient été commis par les Namurois sur les terres liégeoises. La situation s'aggravant, le comte de Namur, mis en mauvaise posture par l'attitude de ses sujets et désireux d'éviter l'envahissement de son comté, préféra composer avec son voisin et régler le conflit par voie d'arbitrage.

Armoiries du Comté de Namur (XIIème siècle - 1795)

Il fut décidé, le 24 juillet 1420, que ce serait l'évêque, assisté des magistrats des villes de Liège et de Huy qui rendrait sentence sur tous les points litigieux. Le 31 décembre 1420, l'évêque et ses deux "bonnes villes" condamnèrent Jean III à payer la somme de 21.000 florins d'or. Or sur ces entre-faites, Jean III, dont la situation financière était très difficile, avait réuni les états de son comté afin d'obtenir leur aide, mais en vain. A bout de ressources, et sans héritier, il en avait été réduit à vendre son comté au duc de Bourgogne, Philippe le Bon, pour la somme de 132.000 couronnes, sous réserve d'usufruit viager (14 décembre 1420). Il put donc payer son amende à l'évêque et en obtint quittance le 25 janvier 1422.

Le pardon lui fut accordé le 20 mai 1422, ainsi qu'à ses sujets. Comme convenu dans le pacte conclu avec Philippe le Bon, Jean II, comte de Namur conserva l'usufruit de son comté jusqu'à sa mort qui survint le 1er mars 1429. Dès cette date, le comté de Namur devint possession pleine et entière de la maison des ducs de Bourgogne.

Croix de Bourgogne

Le comté de Namur devient donc un fief du duc de Bourgogne. Pour se venger de la démolition de la tour Montorgueil, imposée par Philippe le Bon, duc de Bourgogne et des Pays-Bas bourguignons, à Jean de Heinsberg, prince-évêque de Liège, les Dinantais - auxquels le duc de Bourgogne reprochait nombre d'incursions dans le comté de Namur - allèrent invectiver le comte de Charolais, fils et héritier de Philippe le Bon, jusque sous les murs du château de Bouvignes. Les Dinantais avaient, de plus, eu l'audace de se mettre du côté des Liégeois lorsque ceux-ci chassèrent l'évêque Louis de Bourbon, cousin du Téméraire, que ce dernier cherchait à maintenir dans ses prérogatives envers et contre la population liégeoise qui ne manqua pas de se révolter à nouveau l'année suivante.

La vengeance fut terrible. Pour laver ces affronts, Charles le Téméraire en personne, à la tête d’une armée de trente mille hommes, vint mettre en août 1466, le siège devant Dinant. Le Téméraire, précédé de son grand étendard noir, lança ses troupes sur la ville et contraignit les habitants à capituler. La ville fut mise à sac puis incendiée. Huit cents Dinantais, liés deux par deux, furent précipités du haut du pont dans la Meuse et noyés. Ce qui restait de l’opulente cité fut complètement rasé. Le château-fort, l’enceinte, les églises, les maisons ne furent bientôt plus que des ruines : Dinant devint un vaste désert. Deux ans plus tard, en 1468, Liège, la ville principautaire elle-même, connaîtra pillages et exécutions après que ses troupes ont été battues à Brustem l'année précédente par les armées bourguignonnes. La ville sera incendiée. Le pouvoir des ducs de Bourgogne est alors à son sommet.

Charles le Téméraire - "Pacificateur" de Dinant

Ce n'est qu’en 1472 que Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège remis sur le trône par les armées de Charles le Téméraire, autorisât les chanoines de la collégiale, réfugiés à Huy, à reconstruire l’église et quelques maisons pour se loger. La reconstruction de la citadelle, cependant, n'est véritablement entreprise qu'à partir de 1523, sous le règne de Erard (ou Evrard) de la Marck (1472-1538), cardinal de Bouillon et trente-neuvième prince-évêque de Liège, dont la période de pouvoir est considérée comme la plus faste de l'histoire de la Principauté de Liège. Depuis lors, l’histoire de la citadelle est étroitement liée à celle de la cité.

File:Erard-de-la-Mark.jpg
Erard de la Marck (1472-1538) - Prince-évêque de Liège (1505-1538) – Auteur inconnu..
Le château se compose de logements pour une garnison de 500 hommes et leurs officiers, une chapelle consacrée à Saint Jean, un donjon et une enceinte faite de courtines et de nombreuses tours et demi-tours rondes. Les habitations sont spacieuses et décorées avec recherche et les communs agrandis permettent une certaine vie sociale.

En 1554, à l'occasion de l'un des innombrables épisodes de la longue guerre que se livraient la France des Valois et l'Espagne des Habsbourg, les troupes du duc de Nevers, envoyées par le roi de France Henri II, vinrent assiéger et prendre la ville qui à peine reconstruite, fut détruite à nouveau. Mais c'était sans compter la légendaire obstination des Dinantais. Ils parvinrent, à force de persévérance, à réédifier leur cité. Certes, ce n’était plus la fière et riche ville de marchands du début du XVème siècle, mais elle connut cependant une nouvelle période de paix et de prospérité.

En 1636, cependant, un vent d'appréhension souffla sur la région de Dinant avec l'arrivée à Anseremme des troupes de François de Lorraine. C'était la guerre de Trente Ans, qui après avoir mis l'Europe centrale et occidentale à feu et à sang s'invitait dans nos régions. Les gouvernants de l'époque furent ainsi amenés à renforcer les villes frontalières dont Dinant faisait partie. La citadelle fut restaurée et dotée de deux ponts-levis, une demi-lune renforça la porte principale et de nombreuses palissades furent érigées au pied des remparts. La place fortifiée couvrait à l'époque une étendue de terrain beaucoup plus importante qu'aujourd'hui. Elle se composait du château proprement dit - dont la superficie correspondait à celle du fort actuel - et de constructions défensives importantes sur le plateau. Le saillant le plus éloigné se trouvait à 225 mètres de l’entrée du château. Un rempart descendait en ligne droite vers la route de Ciney.

Lors des campagnes de la guerre de Hollande, le 19 mai 1675, Louis XIV vint, à son tour, assiéger et prendre Dinant. On dit que pour livrer passage à son armée il fit percer la roche qui barrait la route sur la rive droite du fleuve et réalisa ainsi, sans le vouloir cette merveille qu’est la roche à Bayard. Mme de Maintenon accompagnait le Roi-Soleil et visita le château. Elle parle dans une de ses lettres de quatre cent degrés qu’il fallait gravir pour y accéder. Les Français apportèrent d’importantes modifications aux défenses de la citadelle, sous l'égide de Jean-Sébastien Vauban lui-même, qui intégra la citadelle de Dinant, avec notamment celles de Huy et de Namur, à l'ensemble des fortifications défensives destinées à cadenasser les accès au royaume de France par le Nord.

Armoiries des rois de France.
Après la signature du traité de Ryswick en 1697, qui mit un terme aux hostilités entre la France et la Ligue d'Augsbourg, Louis XIV dut rendre une partie des territoires qu'il avait jadis annexés à la France. C'est ainsi que Dinant fut restituée à la Principauté de Liège. En 1703, conformément aux dispositions du traité de Ryswick, les troupes françaises démantelèrent tous les ouvrages de défense qu'ils avaient édifiés et abandonnèrent la citadelle. Les Français laissent donc derrière eux une ville ruinée à l'activité économique condamnée pour longtemps. Le XVIIIème siècle marque la complète décadence de la jolie petite ville mosane. Le 20 juin 1815, après la défaite de Waterloo, c’est de Dinant que le général Grouchy signe son rapport à l’Empereur.


En 1818, après le retour de nos régions à la Hollande tel que prévu par les dispositions du Congrès de Vienne, la citadelle de Dinant fut occupée par une garnison hollandaise qui y construit les bâtiments de la citadelle qui existent encore de nos jours. Les travaux furent dirigés par le capitaine-ingénieur E. Bergsma – qui s'inspira des conceptions de Montalembert et des recherches menées par les ingénieurs de Napoléon - et terminés en 1820 ainsi que l’atteste une inscription gravée au-dessus de la porte d’entrée. Les fortifications dinantaises deviendront, dès lors, un maillon essentiel de la «ceinture mosane» avec les citadelles de Namur, Huy et Liège.

Bien que profitant des fondations de l'ancienne citadelle, les nouvelles fortifications tiennent compte de toutes les contraintes liées à l'utilisation de l'artillerie moderne et son architecture est, de ce fait, adaptée aux nouveaux armements. En septembre 1830, quelques patriotes résolus s’emparèrent du fort et mirent la garnison hollandaise en déroute. En 1853, le fort fut déclassé et abrita, pendant plusieurs années, une compagnie disciplinaire de la jeune armée belge. En 1878, le 11 novembre exactement, la citadelle est vendue.

Penchée sur le calme paysage de la Meuse dinantaise, la citadelle pouvait croire que sa carrière militaire avait pris fin .. Hélas ! Deux fois au cours du XXème siècle, en 1914 puis en 1944, elle devint le centre de combats acharnés.

Vingtième siècle.

En cette année de commémoration du centième anniversaire du déclenchement de la Première Guerre Mondiale, il est ici utile de rappeler les événements qui se produisirent à la Citadelle de Dinant, et autour de celle-ci, en août 1914.

L'édifice et ses environs firent en effet l'objet de furieux combats dans les jours qui suivirent le début de la Première Guerre Mondiale entre les troupes d'invasion allemandes et les régiments français accourus notamment de la région voisine de Givet pour s'emparer et contrôler les ponts sur la Meuse. Malheureusement pour elle, la ville de Dinant se trouvait sur l'axe principal de l'invasion allemande. Le 8 août 1914, les Français occupèrent les bâtiments du fort ; le 15 août, une lutte terrible qui dura de cinq heures du matin à midi, se déroula tant sur la rive gauche de la Meuse que sur les hauteurs de la citadelle, entre les éléments de plusieurs régiments français d’infanterie et une division de chasseurs saxons de l'armée impériale allemande.

La citadelle de Dinant vue de la gare - Photo : Erdan
Les Français, écrasés par le nombre, durent battre en retraite dans les galeries, où de sanglants corps à corps à la baïonnette se poursuivirent pendant plusieurs heures. Ce même 15 août vit dans l'après-midi, les troupes françaises se regrouper pour contre-attaquer en contournant les fortifications et en empruntant simultanément les 408 marches de l'escalier menant à la citadelle, reprendre celle-ci aux troupes saxonnes et arracher le drapeau impérial allemand qui y flottait depuis le matin. Les corps des victimes de ces combats furent brûlés à l’entrée de la citadelle et les cendres déposées dans une urne. Celle-ci fut enfermée, par la suite, dans un petit monument que l’on aperçoit, enfoui sous les frondaisons, dès que l’on a franchi la barbacane d'accès. Citons, parmi d'autres, la participation aux combats de Dinant de différentes unités des 8ème, 33ème, 73ème, 148ème et 273ème Régiments français d'Infanterie. 



Citadelle de Dinant - Panneau commémoratif des combats d'août 1914. 
Les troupes françaises tinrent la région pendant plusieurs jours avant de retraiter en direction de Onhaye et de Charleroi.

Notons également qu'un certain Charles de Gaulle, Lieutenant au 33ème Régiment d'Infanterie de son état – et qui fit le parcours et la carrière que l'on sait – fut blessé le 15 août 1914, sur la rive gauche de la Meuse, à l'entrée du pont qui enjambe le fleuve en contrebas de la Citadelle.

Charles de Gaulle (1890-1970) à l'aube de sa carrière militaire.
Suite à ces combats, l'Etat-Major de la IIIème armée allemande sous les ordres du général Max von Hausen, furieux de voir sa ruée vers la France ralentie et obsédé par l'idée de la présence éventuelle de francs-tireurs – la fameuse fausse croyance sincère - parmi la population dinantaise, ordonne à ses troupes de s'en prendre à celle-ci et d'incendier la localité. C'est ainsi qu'à partir du 23 août 1914, 674 personnes : hommes, femmes et enfants de tous âges seront passés par les armes par la soldatesque teutonique, tant à Dinant que dans les faubourgs de Leffe, de Rivages et de Neffe. La Collégiale et plus d'un millier d'habitations sont incendiées. La localité dinantaise est plongée dans un bain de sang et n'est plus que ruines, flammes et brasiers. Les mêmes événements se produisirent ailleurs dans les premières semaines du conflit tant en Wallonie (Tamines, Andenne, Visé) qu'en Flandre (Louvain, Aerschot) et jusque en France dans les départements du Nord, de la Meuse, des Ardennes et de Meurthe-et-Moselle.


Quelles que soient les explications et autres prétextes mis en avant pour tenter de «justifier» ces atrocités innommables, une des causes qui ressort d'une étude historique menée en 2001 par deux historiens irlandais, John Horne et Alan Kramer est, d'une part, que le haut commandement allemand, confondant allègrement neutralité belge et autorisation de passage, ne digéra que très mal le fait que le gouvernement belge s'opposât aux forces allemandes et fit donner son armée, et d'autre part, que ce même gouvernement belge permît aux armées françaises de contre-attaquer les armées allemandes sur le sol belge. La résistance inattendue de l'armée belge et notamment celle des forts de Liège - qui résistèrent plus de dix jours au lieu de trois, au plus, comme escompté par l'Etat-Major impérial – retarda considérablement les opérations allemandes et suscita de nombreuses craintes chez les généraux allemands de voir leur offensive sur Paris brisée nette. Ce qui, d'ailleurs, se produisit au début du mois de septembre lors du retournement et de la contre-attaque victorieuse des forces françaises sur les bords de la Marne.



Voici, d'autre part, ce qu'écrit le Kriegsgebrauch im Landkriege, (manuel de formation à l'usage des officiers des armées impériales) publié en 1902, dans lequel le Grand Etat-Major allemand formule le principe suivant (p. 115) : « Employer sans ménagement les moyens nécessaires de défense et d'intimidation n'est pas seulement un droit, mais un devoir pour tout chef d'armée». «Que des particuliers, dit le général von Hartmann, soient atteints durement, quand on fait sur eux un exemple destiné à servir d'avertissement, cela est assurément déplorable pour eux. Mais, pour la collectivité, c'est un bienfait salutaire que cette sévérité qui s'est exercée contre des particuliers. Quand la guerre nationale a éclaté, le terrorisme devient un principe militaire nécessaire». De la théorie à la pratique, il n'y a pas loin pour l'Allemand et voici ce que publiait le Kölnische Zeitung en date du 10 février 1915 (n° 146) : «Les innocents doivent pâtir avec les coupables ou, si ces derniers ne sont pas découverts, les innocents doivent expier pour les coupables, non parce qu'il y a eu crime mais pour empêcher les crimes à venir. L'incendie d'un village, l'exécution d'otages, la décimation de la population d'une commune dont les habitants ont pris les armes contre les troupes qui s'avançaient, tout cela constitue moins des actes de vengeance que des signaux d'avertissement pour les parties du territoire non encore occupées. Et ceci est hors de doute : c'est à la façon d'avertisseurs qu'ont agi les incendies de Battice, de Herve, de Louvain, de Dinant. Les destructions, les flots de sang des premiers jours de la guerre en Belgique, ont sauvé les pauvres villes de la tentation de s'attaquer aux faibles troupes que nous devions y laisser. Y a-t-il un homme au monde qui s'imagine que la capitale de la Belgique nous aurait tolérés, nous qui vivons aujourd'hui à Bruxelles comme dans notre propre pays, si l'on avait pas tremblé devant notre vengeance et si l'on ne tremblait pas encore ! ».

Nationalisme et militarisme forcenés, haine de la différence, air du temps, arrogance et sentiment d'impunité - la force dans ce qu'elle a de plus abject -, voilà les coupables premiers de ces dramatiques dérapages auxquels certains étourdis – et ils sont nombreux – ont encore l'inconscience de se référer. On ne peut que souhaiter que ce type de situation ne se produise plus, mais cela .... on l'a déjà fait, il y a 96 ans....  

En 2004, la République Fédérale allemande présenta ses excuses aux autorités de la ville de Dinant et à toute sa population pour les exactions commises par les troupes allemandes en août 1914.


Dinant - La citadelle rue du viaduc du pont Charlemagne - Photo : Erdan.















Illustration 7: Panneau commémoratif des combats d'août 1914.




Les Français, écrasés par le nombre, durent battre en retraite dans les galeries, où de sanglants corps à corps à la baïonnette se poursuivirent pendant plusieurs heures. Ce même 15 août vit dans l'après-midi, les troupes françaises se regrouper pour contre-attaquer en contournant les fortifications et en



Période bourguignonne : au XVème siècle, Dinant possédait douze églises paroissiales et sept abbayes. Enfermée dans une ceinture de murailles percée de huit portes et hérissée de tours, la ville, dominée par son château-fort, connaissait une prospérité inouïe. Ses fonderies de cuivre étaient en plein essor et occupaient huit mille ouvriers pour une population de près de 30 000 habitants, ce qui, pour l'époque, représentait une population considérable. Elle était la seule des villes belges de langue romane, à faire partie de la fameuse ligue hanséatique. Le comté de Namur était, depuis 1429, un fief du duc de Bourgogne. Pour se venger de la démolition de la tour Montorgueil, imposée par le duc de Bourgogne, les Dinantais allèrent s'en prendre au comte de Charolais, son fils et héritier, jusque sous les murs du château de Bouvignes.

La vengeance fut terrible. Pour laver cet affront, Charles le Téméraire en personne, à la tête d’une armée de trente mille hommes, vint mettre en août 1466, le siége devant Dinant. Le Téméraire, précédé de son grand étendard noir, contraignit les Dinantais à capituler après treize mois de siège. La ville fut mise à sac et incendiée. Huit cents Dinantais, liés deux par deux, furent précipités du haut du pont dans le fleuve et noyés. Ce qui restait de l’opulente cité fut complètement rasé. Le château-fort, l’enceinte, les églises, les maisons ne furent bientôt plus que des ruines : Dinant devint un vaste désert.

Si les armes sont devenues plus efficientes au cours des siècles, il semble bien que les méthodes de guerre n’ont guère changé. Le sac de Dinant est un acte de barbarie et de férocité qui entachât la mémoire de Charles le Téméraire, prince hautain et brutal. Onze ans plus tard, Nancy allait venger Dinant. C’est en effet, au cours du siège de cette ville que Le Téméraire trouva la mort. Son cadavre, à moitié dévoré par les loups, fut retrouvé dans la campagne environnante. 

Ce n'est qu’en 1472, cependant, que les chanoines de la collégiale de Dinant, réfugiés à Huy, obtinrent l’autorisation de reconstruire l’église et quelques maisons pour se loger.

En 1530, Evrard de la Marck, trente-neuvième évêque de Liège, reconstruisit le château. Depuis lors, l’histoire de la citadelle est intimement liée à celle de la cité.

En 1554, le duc de Nevers, envoyé par le roi de France Henri Il, vint assiéger et prendre la ville qui, à peine reconstruite, fut détruite à nouveau. Mais c'était sans compter la légendaire obstination des Dinantais. Ils ne se laissèrent pas abattre et parvinrent, à force de persévérance à réédifier leur cité. Certes, ce n’était plus la fière et riche ville de marchands du début du XVe siècle, mais elle connut cependant une nouvelle période de paix et de prospérité.

Le 19 mai 1675, Louis XIV vint, à son tour assiéger Dinant. On dit que pour livrer passage à son armée il fit percer la roche qui barrait la route sur la rive droite du fleuve et réalisa ainsi, sans le vouloir cette merveille qu’est la roche à Bayard. Mme de Maintenon accompagnait le Roi-Soleil et visita le château. Elle parle dans une de ses lettres, de quatre cent degrés qu’il fallait gravir pour y accéder.

Les Français apportèrent d’importantes modifications aux défenses de la citadelle. Celle-ci couvrait alors une étendue de terrain beaucoup plus importante qu'aujourd'hui. 

Elle se composait du château proprement dit dont la superficie correspondait à celle du fort actuel, et de constructions défensives importantes sur le plateau. Le saillant le plus éloigné se trouvait à 225 mètres de l’entrée du château qui comprenait des casernes et une chapelle. Un rempart descendait en ligne droite vers la route de Ciney. Après la signature du traité de Ryswick en 1697, la citadelle, qui avait été assiégée dix-sept fois, fut démantelée.

Le XVIIIème siècle marque la complète décadence de la jolie petite ville mosane. Le 20 juin 1815 après la défaite de Waterloo, c’est de Dinant que le général Grouchy signe son rapport à l’Empereur. En 1818, le gouvernement des Pays-Bas fit construire les bâtiments de la citadelle qui existent encore de nos jours. Les travaux furent terminés en 1820 ainsi que l’atteste une inscription gravée au-dessus de la porte d’entrée.

En 1830, quelques patriotes résolus s’emparèrent du fort et mirent la garnison hollandaise en déroute. En 1853, le fort fut déclassé et abrita, pendant plusieurs années, une compagnie disciplinaire de la jeune armée belge.



Penchée sur le calme paysage de la Meuse dinantaise, la citadelle pouvait croire que sa carrière militaire avait pris fin ..

Hélas ! Deux fois au cours de ce siècle, en 1914 puis en 1944, elle devint le centre de combats acharnés. Le 8 août 1914, les Français occupèrent les bâtiments du fort ; le 15 août, une lutte terrible qui dura de cinq heures du matin à midi, se déroula entre deux compagnies du 33e régiment d’infanterie française et les éléments d’une division de chasseurs saxons de l'armée impériale allemande. Les Français, écrasés par le nombre, durent battre en retraite dans les galeries, où de sanglants corps à corps à la baïonnette se poursuivirent pendant plusieurs heures. Un épisode de ce fait d’armes a été reconstitué au moyen de mannequins à l’endroit même où une poignée de soldats français résistèrent jusqu’à la mort.
Les corps des victimes furent brûlés à l’entrée de la citadelle et les cendres déposées dans une urne. Celle-ci fut enfermée, par la suite, dans un petit monument que l’on aperçoit, enfoui sous les jeunes frondaisons, dès que l’on a franchi la barbacane d'accès.

De 1940 à 1944, la citadelle servit aux Allemands de dépôt de munitions. Au moment du passage d’importants convois militaires sur le pont de la Meuse, la « Flak » s’y installait. Lors de la libération de la Belgique, la citadelle était occupée par une compagnie d’infanterie de marine et par des S.S

Le lundi 4 septembre, les troupes américaines, arrivant par la route de Philippeville, installèrent quelques chars sur les plateaux de la rive droite et lancèrent des obus sur la citadelle, Le lendemain, ils faisaient intervenir leur artillerie lourde (155 long). Le bombardement de la citadelle, qui causa cent soixante-six brèches différentes dans l’ouvrage, continua jusqu’au mercredi 6 , dans la soirée. Le 7 septembre à l’aube, les premières troupes américaines franchissaient la Meuse et occupaient la citadelle sur laquelle fut hissé, à 7 heures du matin, le drapeau national.

Restaurée en un temps record, la citadelle, avec ses coins d’ombre, ses murailles qui semblent sortir du rocher, ses meurtrières qui emprisonnent une portion congrue mais lumineuse du splendide paysage de la vallée, avec son point de vue d’où l’on découvre l’un des plus beaux panoramas du pays, avec ses dioramas qui évoquent l’histoire de la ville, est devenue le grand
centre de ralliement des touristes.















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